Lean Portfolio Management : 5 erreurs à éviter pour une mise en œuvre réussie
Le Lean Portfolio Management (LPM) constitue une approche Agile idéale pour les entreprises désireuses de maintenir leur pertinence et compétitivité. Mis en avant par le Scaled Agile Framework (SAFe), le LPM facilite l’alignement des investissements avec les objectifs stratégiques de l’entreprise tout en encourageant l’innovation et l’adaptabilité. Toutefois, sa mise en œuvre complexe augmente le risque d’erreurs et présente divers défis.
Découvrez les cinq obstacles les plus courants ainsi que des solutions pour les éviter ou les surmonter !
#01 Supposer une compréhension partagée du Lean Portfolio Management
La nouveauté des concepts amène chaque acteur à les interpréter en fonction de son expérience, de ses problématiques et de ses attentes de résolution. Cependant, la mise en place d'un LPM ne constitue pas une solution miracle et ne résout pas tous les problèmes. En revanche, elle offre une nouvelle perspective sur ces problématiques et permet de les aborder de manière plus efficace.
L'objectif premier du Lean Portfolio Management est de recentrer l'organisation sur l'essentiel, de mettre en évidence les problèmes et de créer un espace propice aux discussions nécessaires et à la prise de décisions éclairées.
Dès le lancement d'une implémentation LPM, il est indispensable de s'assurer que tous les acteurs partagent une compréhension commune de la transformation à entreprendre, de ses implications et du niveau d'investissement et de changement qu'elle impliquera pour l'organisation.
À ce titre, la formation commune aux nouveaux concepts introduits par le LPM est essentielle. Elle permet aux acteurs d'appréhender ensemble les différentes notions, de prendre conscience des changements de fonctionnement induits et de s'approprier le cadre dans le contexte spécifique de l'organisation. La formation et la compréhension se poursuivent tout au long des travaux de co-construction avec les acteurs clés. Ces moments constituent des étapes fondamentales pour vérifier la compréhension et l'alignement, et pour mettre en pratique les principes du LPM dans le contexte de l'organisation.
L'implémentation du Lean Portfolio Management peut s'effectuer par différentes approches et à des niveaux de profondeur variés. La compréhension du cadre et de ses implications évoluera au fil du temps, en parallèle de l'avancement de la mise en œuvre.
#02 Impliquer uniquement les acteurs opérationnels
L'une des erreurs à éviter lors de la mise en œuvre du LPM est de lancer les travaux d’implémentation du portfolio uniquement avec les acteurs opérationnels.
Comme évoqué en introduction, ces acteurs sont souvent à l'origine de la demande de passage au LPM, motivés par un manque de direction claire ou par des directives contradictoires provenant des acteurs DSI et métiers (ou Business Owners), sans concertation sur les priorités globales de l'entreprise.
Les moyens des équipes produit (ou trains dans un contexte SAFe) étant limités, ce sont eux qui se retrouveront le plus souvent à devoir faire les arbitrages nécessaires, et ce, dans la limite de leurs connaissances, de leur vision des priorités et des contraintes de l'entreprise.
Travailler exclusivement avec les opérationnels peut être source de frustrations et de redites pour ces derniers, sans pour autant leur apporter le soutien et le changement espérés.
Pour réussir l'implémentation du LPM, il est indispensable d'impliquer rapidement les acteurs ayant la vision stratégique et le pouvoir de décision, ainsi que les acteurs métiers. Ce collectif aligné pourra guider l'ensemble des trains et leur apporter la clarté nécessaire pour créer une vraie valeur
#03 Se précipiter vers la cible et négliger la transition
L'enthousiasme suscité par la mise en œuvre du LPM peut pousser à adopter rapidement un nouveau mode de fonctionnement et à abandonner le modèle actuel.
Cependant, une telle précipitation risque de mener à une déconnexion du contexte organisationnel et à la mise en place d'un système purement théorique, et ainsi, à négliger les aspects fonctionnels du modèle actuel.
De plus, aller trop vite peut entraver l'adhésion des différents acteurs et ne pas laisser le temps nécessaire à l'adaptation de l'organisation.
Il est important de prendre le temps de comprendre le fonctionnement actuel de l'organisation, ses contraintes, sa gestion en place et les difficultés rencontrées.
Le Lean Portfolio Management implique un changement profond de la gouvernance, de l'établissement de la stratégie et de la gestion des opérations. Il modifie la façon dont sont considérés les choix d'investissement, l'établissement des budgets, le mode de prise de décision et l'évaluation des résultats.
Ces changements auront un impact à différents niveaux de l'organisation et nécessiteront du temps pour être intégrés. Ce temps est indispensable pour sécuriser la formation, la réorganisation, l'expérimentation, l'apprentissage, l'adaptation, l'appropriation et l'intégration du nouveau système.
Se précipiter sera contre-productif et risque d'entraîner une succession de transformations, épuisant les acteurs et les désengageant du processus.
#04 Ne pas définir clairement le périmètre de responsabilité du Lean Portfolio Management
Mettre en place un Lean Portfolio Management sans analyser et délimiter son périmètre de responsabilité peut entraîner des difficultés majeures en matière de prise de décision, de projection et de gestion. En effet, l'absence de clarté sur le périmètre peut conduire à un manque d'acteurs clés ou de capacité d'influence pour implémenter la stratégie, prioriser les initiatives et arbitrer au sein du portfolio.
Déterminer les produits et solutions ainsi que les équipes qui les gèrent est donc nécessaire pour cadrer les responsabilités du portefeuille. Cela implique d'identifier les acteurs dans le domaine de l’informatique, mais également métier, opérateurs et tout autre acteur contribuant à la vie de la solution.
Au lancement du LPM, il convient donc de réaliser une analyse de périmètre afin d'identifier les solutions et leurs interdépendances, de comprendre la contribution de chacune au sein de l'entreprise et de déterminer celles qui sont critiques pour la mise en œuvre de la stratégie globale. L'atelier d'identification des chaînes de valeur est un exercice efficace pour obtenir une vue globale, aligner les différents acteurs, identifier les acteurs manquants et les défis que cela représente.
Cette base permettra de faire des choix éclairés sur le périmètre autour duquel nous souhaitons et pouvons mettre en place le LPM. Il s'agit de définir l'étendue du périmètre, c'est-à-dire les solutions et produits à intégrer, mais aussi la profondeur du périmètre, c'est-à-dire les activités autour de ces produits et solutions à inclure (la gestion applicative ? l'exploitation ? le métier ? les opérateurs ? le marketing ? le juridique ?...). Nous devons ainsi déterminer jusqu'où nous souhaitons aller, quelle influence nous aurons, si nous disposons de l'influence opérationnelle, stratégique et financière nécessaire, et si nous sommes en mesure d'embarquer les acteurs concernés. Nous devons enfin nous assurer que nous disposons du mandat nécessaire pour le faire.
Savoir répondre à ces questions est essentiel pour déterminer où concentrer les efforts de transformation et rester réaliste et concret quant aux résultats attendus.
#05 Confondre simplification et transformation structurelle
En matière de LPM, comme dans les transformations d'équipes Agiles, nous pouvons parfois observer des implémentations superficielles qui se limitent à des changements de vocabulaire. Ce type d'approche donne l'illusion d'un fonctionnement Agile/Lean/LPM, avec l'utilisation de la terminologie adéquate. Cependant, en examinant de plus près, nous constatons qu'en comparaison de l'ancien mode de gestion, seuls les titres ont changé.
On parle de LPM, d'EPIC, d'Epic Owner et de portfolio Kanban, mais ce ne sont que des nouveaux noms qui remplacent les anciens : les Epics ont remplacé les projets ; l'Epic Owner a remplacé le chef de projet/programme, et la budgétisation continue de se faire sur la base des projets. Le portfolio reste donc un portefeuille de projets, avec la responsabilité de prioriser des centaines d'entre eux, ce qui peut noyer les acteurs du portfolio et entraver leur capacité à guider l'organisation. Nous ne nous retrouvons ni en mode classique ni en mode Agile/Lean, ce qui génère souvent déception, frustration et désengagement au sein de l'organisation.
La transformation vers le Lean Portfolio Management est bien plus profonde. Les budgets ne sont pas attribués aux projets, mais aux solutions ou, plus précisément, aux équipes (souvent des trains) qui gèrent ces solutions. Ces équipes prennent en charge la gestion des besoins locaux et assurent également la mise en œuvre des Epics stratégiques. Il s’agit ici d’initiatives stratégiques majeures, issue de la stratégie globale de l'entreprise, qui requièrent une attention particulière de la part des leaders du portefeuille, contrairement à la majorité des projets courants.
L'identification des Epics, leur priorisation et la répartition budgétaire sont tous établis pour servir la vision et la stratégie du portfolio, et par extension celles de l'entreprise.
Cela implique de concentrer les efforts du portfolio sur les aspects où il est le plus attendu pour guider l'organisation dans son ensemble. Il s'agit également de développer les capacités de décentralisation de l'organisation, en donnant aux équipes et aux trains la latitude de gestion sur leurs périmètres tout en leur fournissant les clés pour opérer de manière efficace et autonome.
Le Lean Portfolio Management n'est pas une solution prête à l’emploi. Son implémentation nécessite une transformation progressive vers une cible finale non connue à l'avance. Inspiré des principes Agiles, la mise en place du LPM implique une démarche d'expérimentation, d'apprentissage et d'ajustement continu. Il s'agit de construire un système adapté au contexte et aux contraintes spécifiques de chaque organisation.