Qui sont les challengers qui inquiètent les leaders du e-commerce en Asie du Sud-Est ?
Le marché asiatique du e-commerce représentait 57,4% du marché mondial en 2019, et ce chiffre devrait atteindre 61,4% d'ici 2024. L’Asie du Sud-Est, et en particulier Singapour, voit s’affronter deux marketplaces.
Lazada, acquise par Alibaba, dominait le paysage jusqu’il y a quelques années. En 2021, elle se fait dépasser en parts de marché par Shopee, lancée par Sea Limited, la plus grosse entreprise tech de la région. Malgré la position dominante de ces deux acteurs, de nouveaux entrants comme Kaikai, Carousell ou aCommerce, qui proposent des modèles en rupture avec celui de la marketplace traditionnelle, ont bien l’intention de se faire une place sur ce marché hyper concurrentiel… Peuvent-ils vraiment y parvenir ?
Kaikai met en compétition les clients avec des offres limitées à récupérer en magasin
Kaikai, une entreprise basée à Singapour, se différencie par un modèle de gamification de l’achat. Elle place ainsi les clients en concurrence sur des offres exceptionnelles, pouvant aller jusqu’à 50% de remise sur des produits de luxe par exemple. Les utilisateurs doivent se connecter précisément à midi et à 20h, et disposent de seulement 100 secondes pour décider s’ils souhaitent acheter avant que l’offre n’expire.
Premier arrivé, premier servi ! L’app génère ainsi une véritable course pour être les premiers à réserver l’offre dans les temps impartis. L’app se différencie également par un modèle click and collect qui consiste à acheter en ligne, mais à récupérer la commande en magasin. Pour proposer toujours plus de réductions, Kaikai s’associe donc uniquement à des détaillants locaux. Ainsi, l’entreprise se soustrait à la gestion de la logistique, l’un des aspects les plus complexes du e-commerce.
Un succès immédiat
Une semaine après son lancement à Hong-Kong en septembre 2021, l’application se hisse à la première place dans la catégorie shopping et troisième du classement général des téléchargements sur l’App Store. Le modèle économique repose sur des partenariats avec des marques qui souhaitent promouvoir certains produits, générer du trafic dans leurs magasins, ainsi que collecter des données sur les habitudes et les goûts des consommateurs.
Carousell, l’app de seconde main, attire déjà plus de visites que Lazada à Singapour
Carousell est une app de petites annonces de revente entre particuliers, similaire à Facebook Marketplace. Fondée en 2012 à Singapour, l’entreprise est désormais disponible dans un grand nombre de pays d’Asie du Sud-Est. Avec 12,8 millions de visites mensuelles recensées en janvier dernier à Singapour seulement, le leader de l’achat de seconde main attire presque autant de visiteurs que Shopee et ses 16 millions de visites, et dépasse même Lazada, qui comptabilise 7,7 millions de visites mensuelles.
La diversification du C2C au B2C
Capitalisant sur son impressionnant volume de visites, Carousell tente désormais de se diversifier et semble vouloir étendre son offre aux professionnels. L’entreprise a récemment acquis OxStreet, un site de vente de baskets et de streetwear, et la rumeur court que le groupe pourrait prochainement racheter 99.co, un site de recherche immobilière.
Le PDG et cofondateur de Carousell, Quel Siu Rui, déclarait récemment que l’entreprise recherche de potentielles opportunités d'acquisitions pour développer le re-commerce en élargissant les catégories d’achat et ses marchés. Carousell aspire également à améliorer l’expérience utilisateur de la seconde main.
« Notre objectif est de rendre les transactions sur un marché d'occasion aussi pratiques et fiables que sur n'importe quelle plateforme de commerce électronique afin que l'occasion puisse vraiment devenir le premier choix. »
Grâce à la croissance du marché de l'occasion et à une prise de conscience de l'impact de la surconsommation sur le réchauffement climatique, Carousell entend bien devenir un leader du marché asiatique du e-commerce et remettre en question le modèle actuel. Carousell se consacre également à sa probable entrée en bourse courant 2022.
aCommerce veut rendre le pouvoir aux marques
Les marques elles-mêmes pourraient bien concurrencer les marketplaces. C’est la mission que se donne l’entreprise aCommerce. Elle veut permettre à ses clients de développer leur propres plateformes d'e-commerce, et ainsi de regagner l’accès à des données précieuses sur leurs consommateurs et leurs habitudes d’achat. L’entreprise, fondée en 2013 en Thaïlande, propose une large gamme de solutions e-commerce, notamment en marketing digital, développement de plateforme, gestion de service client ou de service de livraison. Principal facilitateur d’e-commerce de la région, aCommerce a déjà aidé plus de 173 clients… et pas des moindres, comme Uniqlo, Philips ou encore Nivea, dans cinq pays d’Asie du Sud-Est. Les marques auparavant dépendantes de Shopee et Lazada lancent désormais leur propre plateforme de vente en ligne et espèrent pouvoir s’affranchir des marketplaces.
Les géants du e-commerce comme Amazon semblent indétrônables. Pourtant, l’Asie du Sud Est nous démontre que, contre toute attente, un modèle bien établi peut basculer très rapidement. Lazada a ainsi perdu son rôle dominant l’an dernier face à Shopee, tandis que des concurrents directs ou indirects comme KaiKai, Carousell ou aCommerce s’imposent peu à peu. L’entreprise mère de Lazada, Alibaba, est affaiblie par de nombreuses déroutes réglementaires en Chine, et celle de Shopee, Sea Limited, subit également plusieurs revers dus à la perte de vitesse de son jeu à succès Free Fire et à des infractions aux droits d’auteur. Les tempêtes qui secouent ces deux grands acteurs ouvrent une fenêtre idéale aux outsiders qui désirent monter au créneau du e-commerce !