Un homme en t-shirt blanc explore le métavers avec un casque de réalité augmentée

L'eldorado est-il dans le métavers ?

Le désir de conquête a façonné le monde tel que nous le connaissons : il a fait naître des empires, donné la fièvre de nouveaux mondes ou encore lancé la course à la Lune. Il nous a fait partir à l’aventure, par voie de mer, de terre et d’air, et même au-delà.

Notre désir de conquête dépasse l’espace physique : trouvailles scientifiques, innovations technologiques et records sportifs repoussent les limites de ce qui nous est inconnu. Mais comment continuer d’assouvir cette soif d’espaces inexplorés ? La réponse nous vient de la Silicon Valley, alors que Mark Zuckerberg annonce l’arrivée du métavers, en novembre 2021. Les conquistadors du XXIème siècle n’ont pas attendu pour s’embarquer dans cette nouvelle aventure virtuelle, malgré les écueils bien réels qui émaillent sa route...

 

Un engouement hors du commun pour ces nouveaux mondes virtuels

Le boom des annonces d'entrée dans le métavers

L’empressement des marques pour le métavers ne se dément pas : les annonces fleurissent depuis des mois, tous secteurs confondus. En début d’année, Carrefour acquiert une parcelle de 36 hectares dans The Sandbox pour 120 Ethereum (soit 300 000 euros environ). 

Un mois plus tard, un agent affilié au réseau AXA ouvre une agence virtuelle sur la plateforme Gather. Nike s’est associé à Roblox pour créer son propre métavers, Nikeland, composé de terrains de sport et d’un showroom pour s’équiper des chaussures virtuelles de la marque. L’équipementier sportif ne fait pas les choses à moitié, il rachète RTFKT en parallèle, un « fabricant » de baskets virtuelles. Eh oui, nous assistons également à la naissance des premières marques du web3, à l’instar de Dress X ou The Fabricant, comme autrefois sont apparues les DNVB (Digital Natives Vertical Brand), enseignes issues du digital.

Ne serait-il pas plutôt urgent d'attendre ? 

Nous pouvons légitimement nous demander : qui n’a pas encore intégré le métavers ? Et demain, à qui le tour ? Car malgré un univers aux contours et règles flous, des usages encore à découvrir, des internautes un brin frileux, chaque jour de nouvelles marques parient sur cette aventure de demain. Est-ce la peur de ne pas y être à temps et de passer à côté de quelque chose, le besoin d’apparaître comme un précurseur ? Il faut dire que les prédictions de Bloomberg Intelligence sont alléchantes : la taille du marché du métavers pourrait atteindre les 800 milliards de dollars à l’horizon 2024.

Pourtant, ne confondons pas vitesse et précipitation : il ne s’agit pas uniquement de s’acheter une présence dans le métavers mais d’y vivre et surtout de faire vivre une expérience singulière à ses clients. Rome 3.0 ne s’est pas faite en un jour, alors il est urgent de prendre le temps de réfléchir à une stratégie durable et pertinente.  

La ruée vers l’or digital ne se fera pas sans coût !

Le métavers, c’est la promesse chatoyante d’un espace publicitaire aux possibilités infinies. Si cette promesse fait briller les yeux, elle voile quelques contraintes. Et pour commencer… le coût d’acquisition ! Les terrains virtuels s’arrachent à prix d’or : Forbes estime les premiers prix variant de 15 000 à 45 000 dollars selon l’emplacement des terrains et les plateformes. Là où une parcelle de 96m2 coûte 15 000 dollars (ou 5 ETH) sur The Sandbox, les prix s’envolent sur Decentraland : la société d’investissement Tokens a déboursé 2,4 millions de dollars (618 000 MANA) pour 116 parcelles d’une surface totale 565 m2 dans le Fashion Street District de Decentraland [Source]. Sans compter qu’acquérir un terrain dans le métavers ne s’improvise pas : les entreprises ont besoin d’être équipées en interne pour payer en cryptomonnaies, dont rappelons-le, le cours se montre plus qu’incertain ces derniers temps.

Il n’existe pas un métavers, mais des métavers

La course entre les plateformes a commencé et continuera de s’intensifier. Meta, Roblox, Fortnite, Decentraland, Microsoft… quelle plateforme choisir pour investir ? Il est encore trop tôt pour évaluer les mérites de chacune, mais certaines questions se posent. Les univers virtuels seront-ils cloisonnés pour retenir les utilisateurs dans une compétition à l’audience ou interopérables : les avatars navigueront-ils librement d’un univers virtuel à l’autre, les chaussures Balenciaga achetées sur Fortnite pourront-elles être portées dans un autre monde ? Ou encore, les marques se verront-elles imposer des contrats d’exclusivité ? 

Au-delà du coût d’entrée dans le métavers, d’autres dépenses se dessinent (design, développement, maintenance, marketing etc.) pour faire vivre cet espace vierge qui s’apparente plutôt aujourd’hui à un laboratoire dont nous ignorons encore l’avenir des usages et des perspectives.

Un enjeu prioritaire : réussir l’expérience

L’expérience est au cœur du métavers 

Pour dessiner une expérience réussie, il apparaît comme nécessaire de connaître les utilisateurs et leurs usages pour choisir son mode de présence et sa stratégie. Acheter de l’espace publicitaire virtuel pour encourager des achats dans le monde réel, comme Chipotlé et son opération d’activation marketing « Halloween Boorito » où les joueurs de Roblox pouvaient remporter des bons de réduction, vendre des NFT dans une boutique virtuelle, faire personnaliser et tester des produits ?

Nous manquons encore de recul sur les bonnes pratiques… Si ce n’est que nous devinons que les expériences devront être immersives et gamifiées pour se fondre dans l’univers visuel de la plateforme, tout en se démarquant de la concurrence. Pas simple !

Un public à découvrir

Le métavers marque une rupture avec les mécanismes publicitaires traditionnels pour toucher des avatars qui ne reflètent pas une personne en chair et en os aux critères d’âge, de sexe ou de profession bien définis. Le ciblage se corse ! D’autant plus que dans ces mondes virtuels, l’expérience est d’abord sociale : jouer, se rencontrer, assister à des concerts… et les internautes 3.0 s’y rendent pour s’évader du réel, une contrainte pour les marques qui devront respecter ce besoin d’espace et de vivre différemment. Aujourd’hui, le public sur les plateformes telles que Minecraft ou Fortnite est jeune, mais aussi restreint car tout le monde n’a pas moyen d’accéder au métavers ou d’investir dans les cryptomonnaies.

Le métavers sera aussi B2B ! 

Penser métavers par le seul prisme B2C serait une erreur : les entreprises peuvent également y voir des opportunités internes et externes pour définir un nouvel espace de business ou de collaboration : recruter et rassembler ses salariés à l’heure de l’hybridation du travail, organiser des salons professionnels, showrooms ou des formations. Même s’il ne faut pas négliger le poids de la conduite du changement et de l’acculturation, sans compter les coûts d’équipement en lunettes de réalité virtuelle.

Le défi métier du métavers

Enfin, pour réussir l’expérience, un aspect non-négligeable : le défi métier. Eh oui, pas question de risquer le flop avec un univers au design « cheap » et une expérience à côté de la plaque. S'investir dans le métavers, c’est se donner les moyens pour répondre aux enjeux digitaux qui en découlent : le travail sur le design de l’univers en accord avec l’identité et les valeurs de la marque, le parcours utilisateur et l’interactivité, mais aussi y allier les facettes e-commerce et marketing ! Le métavers requiert une certaine pluridisciplinarité digitale pour offrir une expérience unique et sans couture, apporter de la valeur ajoutée aux utilisateurs avec des contenus adaptés et pertinents, mais aussi pour assurer des évolutions régulières et une performance optimale. Sans compter qu’il s’agit d’un univers 3D qui requiert des compétences spécifiques proches de celles du monde du jeu vidéo en termes de design et de développement.

Le métavers est sans conteste un sujet passionnant qui mérite d’être exploré. Le voyage vers ce monde virtuel ne peut pourtant pas se faire sans réflexion ni sans coût. Et un coût qui n’a pas été évoqué est environnemental : le métavers sera gourmand en ressources et en énergie, à l’heure où nous parlons de la nécessité d’une écologie numérique. Alors, dans quelle aventure choisirez-vous de poursuivre vos investissements, réelle, virtuelle ou hybride ?